Golfe persique : prémices d’une guerre qui s’annonce ?

Mais que se passe-t-il dans le golfe Persique ? Il semblerait que ce bras de mer et les eaux avoisinantes soient appelés à accueillir la plus grande flotte maritime jamais réunie en un seul endroit, depuis la seconde guerre mondiale. En effet, et c’est une première. Lundi dernier un sous-marin américain à propulsion nucléaire lanceur de missiles balistiques, le USS Georgia de la classe Ohio, a traversé le détroit d’Hormuz, une voie navigable stratégiquement vitale entre l’Iran et la péninsule arabique. Ce détroit a une importance capitale car un cinquième des approvisionnements mondiaux en pétrole y transite.

Ce passage par un sous-marin nucléaire est d’autant plus inhabituel que les eaux du golfe Persique sont très peu profondes et que les submersibles peuvent être identifiés à l’œil nu. Il est donc permis de penser que le passage de ce sous-marin a d’autres objectifs que de rappeler la puissance militaire américaine à l’Iran; ceci quelques semaines après l’assassinat d’un éminent scientifique iranien, responsable du programme nucléaire de la République islamique et moins d’un mois avant l’anniversaire de l’assassinat du général Qassem Soleimani par des drones américains. Sachant que l’Iran avait promis de venger ces des deux assassinats, on peut, dans un premier temps, en déduire que cette présence militaire américaine vise à décourager toute éventualité de représailles de la part du gouvernement iranien.

Par ailleurs, parallèlement à cette arrivée de USS Georgia, début décembre, les Etats-Unis ont fait voler deux bombardiers B-52 dans la zone du golfe Persique, dans une mission que les responsables américains ont eux-mêmes décrite comme un message de dissuasion à l’Iran. Si cela ne suffisait pas, rappelons que sur les onze porte-avions que possède la marine américaine, trois dont Dwight D. Eisenhower, le Nimitz, et le Theodore Roosevelt sont également à proximité des eaux iraniennes dans l‘océan indien. Et pour combler le tout, un des cinq sous-marins Diesel de la marine israélienne, équipée de missile de croisières nucléaires, est également en route vers le golfe Persique. Dire que rarement un tel arsenal nucléaire a été concentré sur une zone en si peu de temps serait un véritable euphémisme.

Dans tous les cas, il est peu probable qu’une telle démonstration de force vise tout simplement à dissuader l’Iran d’une initiative de vengeance à l’occasion des récents assassinats de ses dignitaires. L’arsenal qui est déployé est totalement disproportionné par rapport à l’enjeu et à ce que l’Iran serait à même de prendre comme mesure de rétorsion sur la base de ses faits et gestes antérieurs. Ce d’autant que la réaction iranienne, si réaction il devait y avoir, a peu de chance de se matérialiser sous une forme conventionnelle, surtout  en cette période trouble où Donald Trump, vexé et humilié par sa défaite face à Joe Biden, occupe encore la Maison Blanche. Téhéran a bel et bien décidé de faire profil bas jusqu’au 20 janvier prochain, date de l’investiture du Président-élu, et à ne surtout pas donner un quelconque prétexte à Washington pouvant servir d’excuse pour une frappe contre ses installations nucléaires.

Cette concentration militaire est aussi particulièrement étonnante compte tenu de l’annonce de Donald Trump de réduire la présence militaire américaine dans la région de manière radicale en ramenant les « boys » comme il s’y était engagé pendant la campagne présidentielle de 2016. Malgré tout, les trois prochaines semaines avant son départ  définitif de la maison blanche restent une période de grande instabilité où tout demeure envisageable. Donald Trump sait que Joe Biden ne sera pas, comme lui, un va-t’en guerre à l’encontre de Téhéran. Ainsi, il serait surement tenté par une frappe contre les sites nucléaires de Fordo et de Natanz si l’occasion devait se présenter.

Cependant, il est peu probable, à moins qu’un prétexte, vrai ou faux, ne lui soit donné,  que l’armée américaine ne se lance dans une telle aventure, à la veille immédiate de l’investiture d’un nouveau président sans une concertation préalable avec ce dernier.

Par Ardavan Amir-Aslani. 

Paru dans l’Atlantico du 27/12/2020.

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