Dans le conflit ukrainien, le chantage énergétique russe à l’encontre de l’Europe n’a qu’une seule alternative : l’Iran

Avec plus de 100,000 hommes amassés sur la frontière ukrainienne avec des divisions blindés et des lanceurs de missiles, la Russie est suffisamment armée pour procéder à une invasion intégrale de l’ensemble du territoire ukrainien. Il s’agit là de la plus grande concentration de troupes sur le sol européen depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. A un moment où la crise ukrainienne bat son plein, il est utile de s’interroger sur les marges dont disposent réellement l’occident face à Moscou et ses menaces d’invasions. S’il est vrai que les premiers pays intéressés par l’issue de cette situation belliqueuse sont les pays européens, cela n’empêche que, globalement et hormis quelques rares coups de fil entre Vladimir Poutine et les chefs d’Etat européens, les négociations se déroulent entre américains et russes. Pourtant, outre le fait que le conflit se passe sur le territoire européen, les premières victimes des sanctions que peuvent prendre les américains vont être ces mêmes européens.

En effet, la dépendance européenne envers la Russie, en ce qui concerne ses besoins gaziers et de manière générale ses besoins énergétiques est telle, que les membres de l’Union Européenne ont les pires difficultés pour parler d’une même voix. En effet, l’Europe dépend de la Russie à hauteur de plus de 40 pour cent de ses besoins gaziers. L’Allemagne, le plus dépendant énergiquement vis-à-vis de la Russie, ne cesse de temporiser le conflit tout en insistant auprès de Washington afin que soit épargné le projet de l’oléoduc gazier nord-stream 2 des sanctions que pourraient prendre les Etats-Unis à l’égard de Moscou.

La réalité est cependant autrement plus grave. Ainsi, à date d’aujourd’hui il n’y a aucune solution de remplacement pour le gaz russe.  Depuis quelques semaines déjà Washington essaie d’identifier des sources alternatives de remplacement du gaz russe en sollicitant autant ses propres producteurs que les producteurs étrangers. C’est donc sous cette optique qu’il convient d’appréhender la rencontre prévue lundi 31 janvier à la Maison Blanche entre le président américain et l’Emir du Qatar, le deuxième plus grand producteur de gaz liquéfié au Monde. Faire se déplacer l’Emir en Amérique est une indication suffisante pour expliquer le désarroi des américains face aux besoins énergétiques de l’Europe. La réalité est que le gaz n’est plus disponible en abondance sur le marché. Son prix a d’ailleurs atteint un sommet historique.

En effet, toute la production du Qatar, qui est donc au maximum de sa capacité, est pré-vendue aux pays asiatiques dont le Japon ce qui explique que les qataris sont dans la quasi incapacité de livrer l’Europe. Il en va de même pour les producteurs américains qui pourront, au mieux, dégager un ou deux tankers de LNG, une quantité largement insuffisante pour répondre aux besoins des pays européens. En outre, les pays le plus dépendants du gaz russe sont ceux de l’Europe de l’est et de l’Europe central où la capacité de recevoir du gaz liquéfié est plus que limitée. En effet, la grande majorité des 28 infrastructures LNG en Europe capables de répondre au remplacement du gaz russe, et ce pour le cas où suffisamment de gaz pourraient y être acheminé, ce qui n’est absolument pas le cas pour le moment, sont situées en Europe occidentale. De plus, si du fait des sanctions américaines ou de sa propre initiative, la Russie cessait son approvisionnement de gaz vers l’Europe, d’autres matières de premières nécessités russes, telle que le pétrole, pourraient également être affectées. Ainsi la conjugaison des mesures de rétorsions américaines et le blocus énergétique de l’Europe par la Russie rendrait la situation intenable. En pareil cas, l’Europe gèlerait en cet hiver rude et le baril de pétrole passerait les 200 dollars sur les marchés internationaux !

Si, dans ce monde de conflit entre les Etats-Unis et la Chine et son allié russe, se pose la question fondamentale de l’indépendance énergétique de l’Europe, il n’y a, à terme, qu’une seule alternative, celle du gaz et du pétrole iranien. En effet, l’Iran recèle en son sein les 3e réserves pétrolières ainsi que les principales réserves gazières prouvées au monde, et ce devant la Russie et le Qatar.

C’est dire que l’issue de l’accord nucléaire avec l’Iran ne fait aucun doute…

Par Ardavan Amir-Aslani. 

Paru dans l’Atlantico du 30/01/2022.