Etats-Unis-Israël, un silence qui en dit long

Face à un nouveau président américain en exercice qui n’a pas pris le temps d’appeler son allié historique qu’est Israël et qui a déclaré être ouvert à une reprise des négociations avec Téhéran à condition que l’Iran respecte à nouveau ses anciens engagements au titre de l’accord nucléaire, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, tente de garder la face au niveau diplomatique, alors qu’il est en train d’œuvrer pour remporter les élections législatives qui se tiendront le 23 mars prochain en Israël.

Quatrièmes élections législatives en deux ans

 Ces élections législatives – les quatrièmes en deux ans – font suite à la dissolution de la Knesset, Parlement monocaméral israélien, en raison de l’échec du gouvernement israélien à trouver un accord sur le budget du pays illustrant ainsi l’inefficacité du mariage forcé qui a duré huit mois, entre Benjamin Netanyahu et son adversaire politique, le Général Benny Gantz. Cette union arrangée qui prévoyait notamment une rotation du poste de Premier ministre au bout de dix-huit mois et un accord sur le budget, avait en effet été décidée au printemps 2020 suite à trois élections au cours desquelles les deux rivaux étaient au coude à coude et qui ont plongé le pays dans la plus longue crise politique de son histoire. Or, pour concrétiser ce changement de titulaire au poste de Premier Ministre en 2021, il aurait donc fallu que les parlementaires s’entendent sur l’adoption du budget unique pour les années 2020 et 2021. Chose qui s’est avérée impossible.

Une fin du règne possible pour Benjamin Netanyahu

Dans un contexte exceptionnel de pandémie, les politiciens en lice devront vivre une campagne inédite dans sa forme puisque les meetings politiques ne dérogent pas à l’interdiction des regroupements. Les candidats s’affronteront ainsi par vidéos de campagne interposées et sur les réseaux sociaux. Cette campagne, qui n’est en réalité qu’un énième référendum sur leur Premier Ministre, sera également marquée par l’ouverture du procès de ce dernier après avoir été plusieurs fois repoussé, suite à sa triple mise en examen pour corruption, malversations et abus de confiance. Il s’agira du premier procès contre un chef de gouvernement en fonction de l’histoire d’Israël. Malgré cet étau judiciaire qui se resserre sur l’actuel Premier ministre israélien, au pouvoir depuis quinze ans, le parti du Likoud, qu’il dirige, reste en tête des intentions de vote. Il bénéficie également du retour positif de la campagne de vaccination réussie en Israël grâce à sa décision de payer 40% plus cher que d’autres pays pour une vaccination précoce. En revanche, un désaveu supplémentaire est à souligner : la diaspora juive américaine n’a pas soutenu Donald Trump lors de la dernière élection américaine et ce, malgré le soutien retentissant du Premier Ministre israélien au 45ème Président des Etats-Unis. Trois quarts d’entre eux ont préféré voter massivement Joe Biden. Benny Gantz, quant à lui, critiqué pour avoir pactisé avec le gouvernement de Netanyahu a perdu de sa superbe au sein de son parti et ne se situerait qu’à la sixième ou septième position des intentions de votes selon des sondages récents. La vraie menace pour Benjamin Netanyahu est ainsi son ancien ministre Gideon Saar, qui a créé en décembre dernier un nouveau parti, Tikva Hadasha, auquel on attribue la deuxième place des intentions de vote. Enfin, la montée du parti d’extrême droite menée par un autre ancien ministre, Naftali Bennett, pourrait également représenter une menace sérieuse pour Benjamin Nentayahu.

 Une relation américano-israélienne en danger ?

Benjamin Netanyahu qui se targuait de sa relation privilégiée avec Donald Trump, « le meilleur ami » que l’État hébreu n’ait jamais connu à la Maison Blanche, a également félicité Joe Biden après sa victoire et a évoqué une « amitié chaleureuse remontant à plusieurs décennies » avec « Joe ». Pourtant, après un mois de mandat, Joe Biden ne se montre pas pressé d’appeler le premier ministre israélien. En pleine campagne électorale, cette abstention révélatrice d’une tension entre les alliés historiques fait des gorges chaudes en Israël. Les commentateurs politiques sur place soulignent la position défavorable du Premier Ministre sortant. Danny Danon, ancien ministre et militant affilié au Likoud, qui occupait encore récemment les fonctions d’ambassadeur israélien auprès des Nations Unies a interpellé le nouveau président des États-Unis sur son compte Twitter en énumérant les dirigeants mondiaux – dont la France, le Japon et la Corée du Sud – qu’il aurait déjà contactés depuis sa prise de fonctions : “Il serait temps de contacter le chef du gouvernement du plus grand allié des États-Unis”. Cette requête a provoqué l’embarras du milieu diplomatique israélien. Selon l’entourage de Benjamin Netanyahu, cet « attentat diplomatique » serait une vengeance de Danny Danon pour avoir été tenu à l’écart de l’actuelle campagne électorale.

Le conflit israélo-palestinien au cœur de la future relation américano-israélienne

Alors que les Palestiniens ont appelé les États-Unis à œuvrer pour la création d’une Palestine indépendante, Antony Blinken, ministre des Affaires étrangères de l’administration Biden, a déclaré que les États-Unis ne reviendraient pas sur la décision critiquée de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël en lieu et place de Tel Aviv. L’ambassade américaine y a même été transférée. Sous l’administration Trump, un plan prévoyant l’annexion des territoires de la Cisjordanie par Israël et la reconnaissance de la souveraineté de l’État hébreu sur le territoire occupé du Golan syrien et en Cisjordanie palestinienne, a été mis en place. Sous l’impulsion de cette administration, l’État hébreu a également rendu officiels des accords de normalisation avec le Maroc ainsi qu’avec les Émirats Arabes-Unis, le Bahreïn et le Soudan. Les islamistes du Hamas et du Fatah laïc en Palestine ont dénoncé d’une voix ces accords, estimant qu’ils devraient être envisagés seulement après la résolution du conflit israélo-palestinien. Face à cette situation tendue, Joe Biden préconise une « solution à deux Etats », peu probable au vu de l’entente des deux pays enlisés dans ce conflit. Conscient du manque de réalisme de cette solution, Joe Biden a invité les deux pays à « éviter des mesures unilatérales qui rendent cela encore plus complexe ». Blinken a également assuré que « l’engagement » du futur gouvernement américain en faveur de la sécurité d’Israël était « sacro-saint ». Cependant, le rappel de David Friedman, ambassadeur des États-Unis à Jérusalem, défenseur reconnu de l’annexion, est peut-être le signe d’un assouplissement du plan mis en place par Trump ? Du côté de la Palestine, une élection est prévue dans la foulée des élections législatives en Israël. Même si la Palestine est devenue totalement dépendante d’Israël sur le plan économique, les représentants politiques palestiniens nourrissent l’espoir d’une défaite de Benjamin Netanyahu, qui combinée à l’élection de Joe Biden, laisserait ses chances à une relance de la « solution à deux Etats ». Toutefois, aucune négociation n’aboutira avant le mois de mai puisque le gouvernement israélien ne sera complet et fonctionnel à la suite des élections qu’à partir de cette date. Il s’agira peut-être de l’ébauche d’une solution même si personne n’y croit plus.

Par Ardavan Amir-Aslani et Inès Belkheiri. 

Paru dans Le Nouvel Economiste du 17/02/2021.