La délicate reconstruction de l’État libanais

Samedi 24 mai se tenait le dernier tour des élections municipales libanaises, une première pour la population qui n’avait pas été consultée localement depuis 2016.

Si l’allié gouvernemental, les Forces libanaises, a enregistré des victoires face à son adversaire le Courant patriotique libre dans les régions chrétiennes, à l’exception de la municipalité de Jezzine, le Hezbollah conserve un soutien populaire significatif, comme en témoignent ses victoires dans ses localités historiques du sud-Liban, malgré une forte abstention.

Alors que le gouvernement s’attelle à la lourde tâche de reconstruire l’État libanais, la tenue d’élections a été perçue comme un signe positif. Dès son investiture en janvier dernier, le président Aoun, ancien commandant en chef de l’armée libanaise, s’est fixé un double objectif : restaurer l’État régalien en désarmant les milices et endiguer la crise économique.

Le président Aoun renoue les liens diplomatiques

Conscient des fragiles équilibres politiques et sociaux et redoutant une nouvelle guerre civile, le président libanais s’est prononcé avec précaution en faveur du désarmement du Hezbollah, qu’il dit vouloir mener par “un dialogue bilatéral”. La milice chiite est largement affaiblie militairement depuis l’offensive d’Israël et la chute du régime de Bachar al-Assad par lequel transitait son approvisionnement auprès de l’Iran.

Par ailleurs, Joseph Aoun a renoué avec Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, en convenant les 21 et 23 mai derniers de désarmer, à compter de mi-juin, les camps de réfugiés palestiniens au Liban, administrés par les organisations palestiniennes. Mahmoud Abbas, dont la crédibilité pour incarner l’interlocuteur palestinien est souvent mise en doute, espère restaurer sa représentativité face aux autres factions comme le Hamas et le Jihad islamique dont l’influence progresse dans les camps de réfugiés.

Cette reprise en main est fortement encouragée par les États-Unis et les pétromonarchies arabes du golfe Persique qui y conditionnent leur assistance économique. Lors de son discours devant le Forum économique américano-saoudien, le président Trump a fustigé le Hezbollah, se disant désormais “prêt à aider le Liban”.

Aussi, le président libanais entend bien profiter de la récente recomposition des rapports de force régionaux et du recul de l’influence iranienne pour restaurer des relations diplomatiques avec les pétromonarchies arabes du Golfe. Alors qu’il réservait sa première visite officielle à l’étranger au royaume saoudien, le président Aoun a enchaîné depuis les déplacements au Qatar, aux Émirats arabes unis et au Koweït, espérant séduire des investisseurs et obtenir des aides financières dont dépend fortement l’économie libanaise, exsangue.

Sortir de la crise ?

L’effondrement financier de 2019, l’explosion du port de Beyrouth, l’offensive israélienne et le blocage institutionnel jusqu’à la récente désignation du président Aoun en janvier 2025, ont plongé le pays dans une crise sans précédent.

En dépit des efforts du nouveau gouvernement et de son jeu d’équilibre, l’avenir du Liban demeure incertain. Le gouvernement parviendra-t-il à imposer au Hezbollah l’abandon total de son arsenal militaire ? Quant à Israël, rien n’indique pour l’instant son respect total du cessez-le-feu de novembre dernier. Enfin, à la veille de l’arrivée d’une délégation du FMI, ce 28 mai 2025, le gouvernement libanais redouble d’efforts pour afficher sa bonne volonté, espérant enfin décrocher un accord de prêt tant attendu.

Ardavan Amir-Aslani et Sixtine Dupont dans Le nouvel Economiste le 29/05/2025

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