Confronté à une crise économique sans précédent marquée par une inflation galopante, le pays du Cèdre se remet laborieusement de l’offensive israélienne contre le Hezbollah qui s’est soldée par un cessez-le-feu le 27 novembre dernier.
Fraîchement élu en janvier 2025 après plus de deux ans de vacance présidentielle, Joseph Aoun s’était engagé auprès des Libanais à mener deux grands chantiers : redresser économiquement le pays et restaurer l’autorité de l’État en rendant à l’armée libanaise le monopole de la violence légitime.
Pour y parvenir, le pays du Cèdre compte sur l’appui des États du golfe Persique et de Washington, dont il a impérativement besoin pour obtenir des financements internationaux.
Garants du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, les représentants américains enchaînent les déplacements au Liban depuis un mois. Lundi 21 juillet, l’envoyé spécial Tom Barrack entamait sa troisième visite pour accélérer le désarmement du Hezbollah.
Le spectre d’une nouvelle guerre civile
Pour autant, l’ambition jacobine du président Aoun se heurte à trois difficultés majeures : le refus des protagonistes d’appliquer sérieusement le cessez-le-feu, la crainte d’une nouvelle guerre civile et le retour du chaos syrien.
Le Hezbollah refuse de rendre son arsenal militaire. Ses députés ont fustigé la pression américaine, estimant que les Israéliens, en poursuivant leurs bombardements et en maintenant leurs troupes dans cinq positions du Sud-Liban, ne respectaient pas davantage l’accord de trêve.
La classe politique libanaise est de son côté divisée sur la manière de procéder, entre ceux qui prônent un désarmement par la force s’il le faut et ceux, plus prudents, qui plaident pour un dialogue afin d’éviter que le pays ne bascule à nouveau dans la guerre civile.
Conscient de ce risque, et malgré les pressions américaines qui réclament des actes concrets, le président Joseph Aoun, lors de sa visite au Bahreïn le 22 juillet, a rappelé vouloir agir avec “précaution afin de préserver l’unité du Liban et d’éviter toute atteinte à la paix civile”.
Le risque syrien
Enfin, côté syrien, les récents affrontements de Soueïda inquiètent au plus haut point l’exécutif libanais. La perméabilité de la frontière entre les deux pays, longue de plus de 300 kilomètres, fait craindre l’extension du chaos syrien sur le territoire libanais.
D’autant que le renvoi des détenus syriens, représentant plus de 30 % de la population carcérale libanaise, renforce les tensions entre les deux voisins. Le nouveau pouvoir de Damas exige leur retour immédiat alors que les autorités libanaises entendent bien garder en détention les auteurs de crimes de sang.
Après la rencontre, à Djeddah, le 27 mars dernier, entre les ministres de la Défense libanais et syrien, l’Arabie saoudite, qui entend profiter du retour de ces pays dans le giron sunnite, pourrait de nouveau proposer ses bons offices pour faire avancer les négociations.
Gagner du temps
Entre les bombardements israéliens, les pressions américaines, l’instinct de survie du Hezbollah qui prend prétexte du chaos syrien pour conserver son arsenal, le nouveau président Joseph Aoun est condamné à gagner du temps pour préserver l’unité du pays et respecter à terme sa promesse de reconstruire l’État.
Ardavan Amir-Aslani et Sixtine Dupont dans Le nouvel Economiste le 24/07/2025
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