Elections à la Knesset : Ces jeunes israéliens tentés par la manière forte

D’après une étude réalisée par l’Institut de la Démocratie Israélienne, les jeunes israéliens seraient bien plus favorables à la réélection de Benyamin Netanyahou que leurs aînés.

Atlantico : D’après une étude réalisée par l’Institut de la Démocratie Israélienne, les jeunes israéliens seraient bien plus favorables à la réélection de Benyamin Netanyahou que leurs aînés. 65% des 18-24 aimeraient voir Netanyahou réélu alors que 53% des plus de 64 ans voudrait voir son opposant, Benny Gantz élu au poste de premier Ministre. Comment expliquer que les jeunes soient majoritairement pro-Netanyahou ? 

Ardavan Amir-Aslani : Le parti de Benny Gantz n’a pas de plateforme électorale à proprement parler. Son argumentaire principal est fondé sur la fatigue qu’une décennie de gouvernement de Netanyahu a engendré dans une partie importante de l’électorat israélien. Les jeunes israéliens dans leur grande majorité n’ont pas confiance dans le centre ni dans la gauche politique. Le mot gauche est même devenu un gros mot en Israël ces derniers temps. D’ailleurs, depuis le second intifada, l’opposition gauche/droite a été remplacé par une opposition entre droite et centre droite. A titre d’exemple en 1992, les deux partis de gauche, le parti travailliste et le Meretz ont obtenu 56 sièges au Knesset alors que les sondages leur donnent un maximum de 18/19 sièges lors des élections à venir. Ainsi, il n’est pas étonnant que globalement, toute catégorie d’âge confondue la population israélienne vire à droite. La jeunesse ne fait donc pas d’exception à cet égard. Du fait qu’autant Gantz que Netanyahu ont des agendas sécuritaires qui se valent, les élections vont porter davantage sur des questions de politique interne.

Cette jeunesse israélienne n’a d’ailleurs connu que l’administration de Netanyahu et a donc été habitué à ne voir la vie politique qu’à travers le prisme d’une politique sécuritaire de droite avec un dédain pour les institutions judiciaires et en particulier la Cour Suprême perçue comme étant propalestinien. N’ayant connue que la droite au pouvoir, cette jeunesse a également été forme par un système éducatif devenu davantage sioniste que de par le passé. Un système éducatif qui n’encourageant pas forcément le raisonnement critique. Le service militaire obligatoire et le nationalisme que cela engendre ajouté au fait que les médias israéliens globalement ont viré à droite ont contribué à pousser la jeunesse israélienne de plus en plus vers la droite de l’Echiquier politique.

La religiosité de plus en plus prononcée de la jeunesse a également joué un rôle décisif. Il faut savoir que la jeunesse israélienne est la plus religieuse de toute la jeunesse européenne, exception faite de la Pologne. Ainsi, la conjugaison d’une religiosité accrue, d’un système éducatif de plus en plus tourné vers le sionisme sans concession, une media de droite et un service militaire obligatoire encourageant le phénomène patriotique, a fait que la jeunesse israélienne ne voit le monde qu’à travers un prisme très à droite.

Cet attrait de la jeunesse israélienne pour un président fort, est-il nouveau ou est-ce une tendance que l’on observe depuis plusieurs années ? Est-ce propre à Israël où s’agit-il d’un phénomène comparable à celui observé actuellement en Occident où la jeunesse semble davantage soutenir un pouvoir fort plutôt qu’une démocratie apaisée ? 

La jeunesse israélienne est la plus à droite de toute la jeunesse européenne. C’est ce qu’a déterminé une étude réalisée en 2016 par le Collège Académique de Tel Aviv-Yaffo sous la direction du Dr. Noa Lavi. Ce rapport a même constaté que la droitisation de la jeunesse israélienne était même plus radicale que celle de la jeunesse hongroise ou tchèque. Le Dr. Lavi attribue la chose, en particulier, à une propagande massive menée par les médias israéliens contre la gauche en générale, présentée comme faible et « collaborationniste » avec la cause palestinienne.

Par ailleurs, cette jeunesse, marquée par la thèse « d’Israël forteresse » est très sensible à une politique sécuritaire considérant que la paix est impossible avec les palestiniens qui dans leur ensemble sont perçue comme des terroristes. Refusant le principe de tout dialogue avec les autorités palestiniennes, ils s’identifient davantage avec Netanyahu qui a su livrer des gains importants pour Israël, notamment la reconnaissance de Jérusalem comme la capitale israélienne par les Etats-Unis à l’instar de la reconnaissance de l’annexion du Golan ou encore le retrait américain de l’accord nucléaire avec l’Iran. Pour cette jeunesse, seule la droite, celle de Netanyahu, est capable d’assurer l’avenir de leur pays face à des palestiniens devenu de plus en plus radicalisé.

Enfin comment expliquer l’écart entre les jeunes et leurs aînés ? Comment expliquer les plus de 55 ans soit favorable à une défaite de Benyamin Netanyahou ? Est-ce en partie à imputer aux accusations de corruption qui pèsent sur l’actuel premier Ministre ? 

Il y a une fatigue de Netanyahu chez les israéliens les plus âgés. La perspective de l’inculpation de ce dernier pour corruption y joue certainement un rôle. Les israéliens âgés sont plus attachés aux institutions judiciaires de leur pays et à la perspective d’une entente possible avec les palestiniens. Sachant que Gantz et Netanyahou partagent une plateforme sécuritaire quasi identique, les élections vont se jouer sur un plan domestique. En fait, la volonté de Netanyahu de revenir sur le rôle important que la Cour Supreme israélienne s’est taillée ces dernières années en tant que censeur du parlement est devenu un facteur de braquage gauche/droite. Cette tendance encouragée par un ancien juge à la Cour Supreme, Aharon Barak, vise à contrôler et à censurer ce qui est appréhendé comme des dérapages d’une parlement devenu très à droite.

Les israéliens plus âgés considèrent encore comme viable des négociations avec les palestiniens et contrairement à la jeunesse ne sont pas favorable à l’annexion d’une parte de la cis-Jordanie. Pour eux, la réélection de la droite personnifiée par Netanyahu est la fin de toute perspective d’entente avec les palestiniens ; ce d’autant que Netanyahu a réussi à séparer la question palestinienne d’une entente globale avec les pays arabes comme on l’a constaté avec un rapprochement récent avec les pétromonarchies arabe du golfe persique.

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