A quoi joue la diplomatie française sur la question du nucléaire iranien ?

Les espoirs d’un accord sur le nucléaire iranien ont été balayés dans la nuit de samedi à dimanche… à cause de la France. En décidant de ne pas accepter un accord au rabais, Laurent Fabius a rendu service à l’aile dure du régime de Téhéran qui espérait cet échec.

Tôt ce matin, on a appris avec étonnement l’échec des négociations sur le nucléaire iranien à Genève du fait de l’intransigeance de la position française. Avec étonnement, car toutes les cartes étaient sur la table pour une issue favorable à ces discussions. La présence surprise et non attendue de l’ensemble des ministres des Affaires étrangères du groupe 5+1 (les membres permanents du Conseil de Sécurité plus l’Allemagne) était interprétée par l’ensemble des commentateurs comme un signe favorable quant à l’issue positive de ces négociations. Et voilà que l’on vient d’apprendre que les demandes françaises, véhiculées par Laurent Fabius, ont entrainé l’échec de ce marathon diplomatique qui a mobilisé l’attention internationale.

 

Personne ne s’attendait à ce que, lors de cette rencontre à Genève, tous les différents aspects de ce dossier, particulièrement complexe, puissent être réglés. Le seul espoir des uns et des autres était qu’un premier pas vers un accord définitif puisse être engagé, comme par exemple, l’arrêt temporaire de l’enrichissement de l’uranium à 20% ou l’acceptation d’un moratoire de six mois sur l’activité nucléaire par Téhéran. En contrepartie, les Iraniens espéraient un dégel partiel et graduel de leurs avoirs bloqués à l’étranger. Aucune des parties à ces discussions n’avaient envisagé l’idée que le contentieux dans son ensemble pourrait être résolu lors de cette rencontre.

 

Des questions importantes comme le sort de l’uranium d’ores et déjà enrichi à 20% par l’Iran, la mise en service des centrifugeuses ultra rapide nouvelle génération, le sort de la centrale à eau lourde d’Arak ou encore la suspension définitive de l’enrichissement de l’uranium au-delà de 5% devaient être réglées lors des rencontres à venir. L’objectif de cette première rencontre majeure était simplement de créer un climat de confiance réciproque entre l’Iran et les grandes puissances de manière à permettre des avancées sensibles prochainement. La position française qui consistait à vouloir traiter immédiatement ces questions et ce sans contrepartie réelle pour l’Iran comme la fin du régime des sanctions internationales à blackbouler l’espoir d’une sortie de crise rapide.

 

Cette position absolutiste n’était partagée que par Paris amenant certains diplomates européens présents à durement critiquer l’intransigeance française. La France s’est retrouvée ainsi plus royaliste que le roi en adoptant une position beaucoup plus sévère que les Américains ou encore que les autres pays européens. En effet, l’enjeu était de taille. Il fallait faire en sorte que ce qu’un climat de confiance puisse de nouveau régner entre l’Iran et le monde occidental et que les uns et les autres puisent revendiquer un avancement dans les négociations. Ne serait-ce que pour dégonfler une crise exagérément gonflée par ceux qui avaient développé ce qu’il faut malheureusement qualifier « d’obsession » iranienne. Les Iraniens, en particulier, avaient besoin de rentrer à Téhéran avec quelques acquis, même symboliques, afin de couper l’herbe sous le pied des durs du régime qui espéraient l’échec de ces négociations. La délégation iranienne rentrera affaiblie à Téhéran même si le ministre iranien des Affaires étrangères a déclaré que l’accord était reporté à une date ultérieure.

 

Le résultat de cet échec est que le camp des durs à Téhéran se retrouvera renforcé et que l’Iran continuera encore à perfectionner son industrie nucléaire en l’absence d’un moratoire, soit le contraire de ce qu’espérait le groupe de 5 +1. En jouant le jeu de l’aile droite du Likoud et des pétromonarchies du Golfe persique, la France va à contrecourant, à un moment où la position américaine se durcit à l’encontre du Premier ministre israélien sur la question palestinienne et que Washington s’éloigne, de par son indépendance énergétique proche,  de la monarchie saoudienne. Qu’espère Paris en adoptant une attitude intransigeante contrairement à tous ses autres partenaires européens et américains ? Le contrat de TGV liant la Mecque à Médine ? Ce sont les Espagnols qui l’ont obtenu. La construction de la Centrale nucléaire d’Abou Dhabi ? Ce sont les Coréens qui ont eu le marché. Des ventes de Rafale ? Il n’y a aucun espoir d’achat émirati aujourd’hui. En revanche Renault devra digérer sa perte de plus de 500 millions de dollars du fait de son incapacité de rapatrier ses bénéfices d’Iran du fait des sanctions et Peugeot risquer de se voir remplacer à Téhéran par Général Motors.

 

Alors que le retour inéluctable de l’Iran dans le système économique mondial sera le plus grand rajout à ce système depuis la réintégration du bloc des pays de l’est après la chute de l’union soviétique, l‘attitude française risque de mettre la France hors-jeu. Pire encore. Laurent Fabius devra peut-être assumer la responsabilité d’un nouveau conflit au Moyen-Orient. Conflit, qui aurait pu facilement être évité si la France suivait simplement la ligne intelligente de l’ensemble de ses partenaires.

 

Pourtant c’était son intérêt.Cet article est disponible sur le site Atlantico.

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